Conseils d’un diplômé HEC: conseils de dissertation

CONSEILS AUX PREPARANTS ESC

Je tenterai dans cette série d’articles d’esquisser une approche de méthodologie de travail en classe prépa ECS, en me basant sur ma propre expérience ainsi que sur les difficultés généralement rencontrées par les préparants. Je diviserai cette série en quatre grands chapitres : la méthodologie générale de travail, la rédaction des dissertations (philosophie, HIGEC et contraction et synthèse de textes), les épreuves orales et le choix de l’école de commerce à l’arrivée des résultats.

conseils prepa HEC

AIDE A LA DISSERTATION

J’aborderai dans ce chapitre des éléments de méthodologie concernant la dissertation : bien qu’ils soient d’un ordre général, ils sont applicables dans les trois matières qui impliquent une rédaction (philosophie, français, HIGEC) et correspondent surtout à des « trucs » logiques pour étaler en trois (ou quatre) parties votre réponse à la problématique posée.

L’introduction

Il est notoire que l’introduction est la partie la plus importante de votre rédaction, au même titre que le début d’un livre, qui doit contenir dans ses premières phrases l’ensemble du projet de l’auteur. Il vous faut donc déployer dans votre introduction le plus de facettes possible de l’énoncé de la question. Vous pouvez commencer par un exemple, qui posera de préférence un paradoxe, ou une question apparemment insoluble (qu’on ne peut en réalité résoudre qu’en la décomposant en plusieurs parties articulées). Votre introduction ne doit pas donner l’impression que vous avancez à l’aveuglette mais au contraire que vous savez précisément où vous vous dirigez : vous ne faites qu’annoncer l’itinéraire qui vous guidera jusqu’à la réponse finale : votre conclusion, qui sera l’écho de votre introduction, renforcé d’une idée « supérieure » : ce que vous estimez être la clé du problème ou l’élément de réponse le plus important, ou « l’angle mort » du sujet, qui lui donnait auparavant cette apparence insoluble, mais qui est essentiel à sa résolution (ce qu’on appelle parfois “l’ouverture”).

Au début de votre introduction, vous devez donc décrire une situation ou un débat (le mieux étant à mon sens d’emprunter cette situation au monde littéraire, de préférence aux grands classiques de la littérature, mais je dirais qu’à l’époque moderne une référence empruntée à une œuvre de cinéma ne choquera plus personne – pour les jeux vidéo, cela se discute…) qui pose un problème philosophique, un paradoxe, une contradiction apparente de la pensée, cette contradiction étant généralement de l’ordre idéalisme/réalisme, volonté/capacité, absolu/relatif etc. (je décrirai ces notions dans ma deuxième partie). Cet exemple doit déclencher une avalanche de questions et aboutir à la problématique demandée, et de préférence à une problématique que vous avez améliorée en l’enrichissant de détails et de nuances, de sorte qu’elle contienne tous les éléments de la réflexion.

Vous détaillerez ensuite l’itinéraire de pensée que vous allez emprunter (et que je décrirai dans la partie suivante) en étant aussi précis et concis que possible (l’introduction ne doit pas dépasser une page) et en laissant entrevoir votre conclusion et votre « ouverture, » c’est-à-dire votre solution au problème.

Première, deuxième et troisième partie

Le plan en trois parties possède un fonctionnement qu’on pourrait qualifier « d’organique. » Traditionnellement, la première partie apporte une réponse à la problématique, la deuxième partie contredit ou nuance cette réponse, et la troisième partie concilie les deux premiers développements en en faisant la synthèse. C’est ce qu’on appelle le plan « thèse/antithèse/synthèse. » Certains professeurs déconseillent d’avoir recours à ce plan, qu’ils jugent trop simpliste, aussi je donnerai ici d’autres appellations afin de clarifier le fonctionnement du plan en trois parties.

  • Affirmation/critique/résolution
  • Naïveté/désillusion/nouvel espoir
  • Causes/faits/conséquences
  • Racines/tronc/branches (ou socle/corps/ouverture)
  • Idéalisme/réalisme/ « voie du milieu »
  • Absolu/relatif/prospectif
  • Etc.

L’idée générale est ici que dans votre première partie, vous allez donner à la problématique votre réponse « instinctive. » Vous prendrez les mots de la problématique dans leur sens le plus direct et le plus littéral, et répondrez de manière tranchée, voire « simpliste » à la question (ceci afin de donner du poids à votre deuxième partie, qui viendra critiquer et nuancer votre première partie).

On peut comparer cela aux trois temps de votre pensée lorsqu’elle se confronte au problème. D’abord, elle cherchera à tout prix une réponse, sans se préoccuper de manipuler les termes du sujet, et elle énumérera les exemples qui confirment cette première réponse : c’est le « socle » de la réflexion. Ensuite, elle trouvera à tous ces exemples des exceptions, et elle mettra ses premières conclusions en perspective, en s’apercevant que ses conclusions ne sont pas absolument vraies : elle les « relativisera » sur un mode sceptique et non dogmatique, et commencera à remettre en question le bien-fondé de la question posée. Enfin, elle trouvera un terme « liant » ou un « horizon » où fixer les regards, de manière à répondre à la question. Je reviendrai sur la troisième partie, qui est la plus ardue à rédiger.

Généralement, il vous faudra vous limiter lorsque vous rédigerez votre première partie. Votre « thèse » devra être valide mais point trop nuancée, de sorte que toute votre critique se concentre dans la deuxième partie. Vous énumérerez des faits et élaborerez une théorie qui répond a priori (c’est-à-dire avant la critique) à la question, et fixera vos « objectifs » en tant que « philosophe, » c’est-à-dire les concepts sur lesquels vous ne comptez pas transiger (tels que : la dignité humaine, la vérité, le progrès, l’amour, l’égalité, le libre-arbitre, la libre pensée etc.) et que l’on retrouvera dans votre troisième partie sous une forme plus véritable et logique (après qu’ils aient passé par le « feu » de votre deuxième partie). Gardez donc les nuances pour votre deuxième partie, et songez plutôt à « fixer » les grands principes de votre « philosophie. » J’essaierai de donner des exemples de sujets afin d’illustrer ce point.

Votre deuxième partie fera la critique de la première. Elle éclairera les aspects accessoires et dérivés de la question, qui poseront des problèmes non moins profonds que la question elle-même. Si la première partie peut être qualifiée « d’ignorante » ou de « naïve, » votre deuxième partie sera implacablement logique, voire pessimiste. Elle mettra en avant la vanité de l’entreprise philosophique en soulignant que le bonheur (ou la justice, la vérité etc., selon le thème traité) apparaît comme inaccessible après un examen réaliste des faits. Vous démontrerez dans cette deuxième partie que la réponse à la question posée passe nécessairement par une critique des faits, et par une critique de la question elle-même ! Ceci parce que la question se pose différemment selon le sens que l’on met derrière les mots (par exemple, si la question est « peut-on ? » on peut se demander « mais veut-on ? » ou alors « mais nous laisse-t-on la possibilité de ? ») et surtout selon la personne qu’elle implique (ce « on » est-il une personne libre ? est-il une personne intègre ? est-il une illusion ?).
Toutes ces questions, vous devrez vous les poser dans votre deuxième partie, qui intervient en quelque sorte comme une critique que vous faites de votre première partie, après avoir constaté son insuffisance à couvrir la question. Ce faisant, de nouveaux éléments du problème se révéleront à vous, qui nécessiteront d’être traités afin de répondre à la problématique. Ces éléments sont a priori étrangers à la problématique, mais vous les aurez révélés grâce à votre examen critique. Au cours de cette critique, vous ne ferez que mentionner ces éléments, et de même qu’au cours de votre première partie vous aviez négligé les éléments qui posaient problème pour les traiter dans votre deuxième partie, ici vous allez négliger les éléments de résolution dans votre deuxième partie et vous borner à les citer, et vous n’en traiterez réellement que dans votre troisième partie.

L’ensemble de ces éléments de résolution constitue le « liant » du problème, ou le « nœud. » Au cours de votre troisième partie, vous allez résoudre ces éléments un à un en vous aventurant dans le domaine de l’hypothétique. J’appelle la troisième partie « Dans un monde parfait… » C’est dans cette partie que vous allez vous attaquer aux problèmes réels soulevés dans votre deuxième partie, et les résoudre grâce aux « impératifs philosophiques » que vous avez fixés dans la première. Cette partie est la plus difficile à rédiger parce qu’elle se doit d’être extrêmement logique, ce malgré des objectifs philosophiques très élevés. Vous devez faire preuve d’audace dans cette partie, et proposer des solutions philosophiques aux problèmes conceptuels et matériels rencontrés dans la première partie et explicités dans la deuxième. Je vous conseille donc de vous laisser aller à rêver, et que vous ne preniez pas peur de votre propre idéalisme et de votre ingéniosité (après tout, si la jeunesse n’avait aucune solution aux problèmes du monde, vers qui diable se tournerait-on ?). Votre correcteur ne vous reprochera jamais d’être lyrique ou grandiloquent dans votre troisième partie, à condition qu’elle vienne comme convenu résoudre tous les problèmes logiques que vous vous êtes efforcés de poser dans les deux premières parties.

La conclusion

La conclusion est la suite logique de votre troisième partie. Elle vient appuyer le sentiment que vous y avez déployé, et rappeler l’introduction en résumant le « liant » que vous avez conceptualisé et qui manquait à la problématique lorsqu’elle a été posée. En général, vous vous retrouverez en train d’affirmer l’un ou quelques-uns des principes fondateurs de l’existence humaine : la vérité, le libre-arbitre, l’égalitarisme, l’entraide, l’espoir. Au total, vous aurez érigé une théorie (première partie), vous l’aurez corrigée (deuxième partie) et vous l’aurez intégrée au monde (troisième partie). On peut aussi dire que vous aurez apporté une réponse conceptuelle (première partie), que vous aurez examiné les faits de manière réaliste (deuxième partie) et que vous aurez conçu une réponse philosophique au problème (troisième partie). Une réponse philosophique est ce qui permet de répondre aux faits par des idées leur correspondant, soit que ces idées viennent expliquer les faits soit qu’elles entendent les corriger. Vouloir corriger l’injustice des faits par la force des idées est une des définitions de l’entreprise philosophique.

Conseils pour l’HIGEC

En ce qui concerne l’HIGEC, cette approche conceptuelle peut fonctionner si on la simplifie, mais les plans sont généralement basés sur des approches plus concrètes, à savoir la chronologie et la géographie. Ils pourront se présenter de la sorte :

  • Nord/Sud/Monde
  • Passé/présent/futur
  • Avantages/inconvénients/voies d’avenir
  • Bienfaits/dangers/solutions
  • Etc.

Conseils pour le français

La question de la contraction a été en partie abordée dans le chapitre précédent. En ce qui concerne la synthèse, un plan simplifié est également de mise :

  • Qui/quoi/dans quelles circonstances
  • Pourquoi/comment/dans quel but
  • Grâce à quoi ou qui/à l’encontre de quoi ou qui/pour le bénéfice de quoi ou qui
  • Dans quel but/de quelle manière/à quel prix
  • Etc.

Conseils généraux

S’agissant d’un article très théorique, je souhaite ici apporter des conseils d’ordre pratique.

  • Dans la mesure du possible, faites des parties égales et des paragraphes égaux. N’oubliez aucune des parties essentielles, notamment l’introduction et la conclusion (que vous pouvez rédiger avant toute chose si cela vous aide à garder le cap).
  • Mettez des articulations logiques au début et à la fin de chaque partie. Il peut s’agir d’une contradiction (un exemple ou une idée qui met la partie précédente en perspective) ou d’un approfondissement (traiter des causes ou des conséquences d’une idée ou d’un fait en passant du général au particulier ou du particulier au général). Ces articulations doivent idéalement résumer votre partie précédent et annoncer la partie qui suit (par exemple, « bien que comme nous l’avons vu…, on peut aussi observer que… »).
  • L’ouverture est ce qui regroupe la problématique et la survole en même temps : elle est une façon d’échapper au problème et de le résoudre. En français, on soulignera par exemple la proximité de pensée des auteurs traités, et ce qui les rapproche. En HIGEC, on mentionnera les efforts de gouvernance mondiale ou le phénomène de relocalisation (ou démondialisation). Il ne s’agit que de faire une prospective sur les années à venir et les progrès qui restent à faire, il n’y a donc là rien de sorcier (c’est la raison pour laquelle j’ai toujours été étonné de m’entendre dire « je n’ai pas fait d’ouverture »).
  • Si vous faites des fautes d’orthographe, faites-vous impérativement expliquer vos erreurs par quelqu’un que vous connaissez et qui n’a pas de problèmes dans ce domaine. Vous devez écrire dans un français parfait, au risque de perdre des points de présentation ainsi que l’attention de votre lecteur.
A propos Simon Rameau 3 Articles
Diplômé HEC de la promotion 2010. Un master en management spécialité médias, arts et création m'a été délivré à l'issue de ma formation, avec la mention Bien, décernée à mon mémoire de fin d'année sur le thème de "L'influence de l'hypertexte dans la création et l'édition d'oeuvres de l'esprit". Depuis ma sortie de l'école et après un bref passage en entreprise au sein d'une entreprise de conseil en recrutement et ressources humaines, j'ai fondé ma propre structure (Stendhal Syndrôme), spécialisée dans l'édition de disques, de livres et de diverses publications.

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