Innovations et croissance avant 1914

L’invention est à l’amont de l’innovation. La découverte scientifique d’un produit ou d’un procédé de production nouveau est à l’origine de l’invention.

L’innovation est le développement et l’exploitation effective de l’invention dans le système de production.

Schumpeter (1883 – 1950) repère 5 catégories d’innovations :

  • la fabrication d’un bien nouveau
  • l’introduction d’une nouvelle méthode de prod
  • l’ouverture de nouveaux débouchés pour un produit
  • la découverte et l’exploitation d’une nouvelle source de mat 1ères
  • réalisation d’une nouvelle organisation de l’entreprise

Les innovations majeures correspondent à une rupture technique qui va permettre de développer une filière.

Est-ce que l’innovation est le moteur de la croissance ? Ou seulement un facteur de croissance ? Cette causalité est-elle continue ou discontinue ?

I. Continuité et changements dans le processus d’innovation technologique et impact sur la croissance

A. Continuité : les héritages de la 1ère RI

A la fin du 18è siècle naît la RI en Angleterre. Elle se propage en France au 19è et fin 19è en Russie. Le concept même de RI est introduit en 1837 par Adolf Blanqui. Paul Mantoux en 1906 définit la RI :

  • aspect technique : invention et usage de procédés qui permettent d’accélérer la prod
  • aspect éco : concentration capitaux et moyens de production
  • aspect social : développement du salariat + apparition classe ouvrière

Transformation de sociétés rurales en sociétés industrielles modernes.

Walt Whitman ROSTOW définit Les 5 étapes de la croissance en 1961 : société industrielle, préalable au take-off (révolution agricole), décollage industriel qui réunit des conditions favorables à l’industrie et à la croissance, maturité, puis conso de masse.

1. Apport de la première RI qui débute en GB

Pourquoi la GB ? Elle est riche au 18è grâce au commerce et au Kisme marchand. Flotte marchande puissante. Démocratie, droits féodaux abolis au 17è. Pensée éco marquée par le LIBERALISME : doctrine économique de la libre entreprise, selon laquelle l’Etat ne doit pas, par son intervention, gêner le libre jeu de la concurrence.

En 1846, abolition des Corn Laws sur le blé importé. Abolition du protectionnisme qui freinait les importations, de façon à profiter du marché mondial et des bas prix, faire baisser le prix du pain donc les salaires aussi (car ils étaient indexés sur le prix du pain). Révolution agricole précoce. La natalité augmente et la mortalité baisse : + de main d’œuvre.

  • Les inventions se multiplient, d’abord dans le textile :
    • 1735 : Navette volante de KAY multiplie par 2 la prod
    • 1768 : Arkwright invente la 1ère machine à filer automatiquement

La première ville industrielle est Londres. Explosion urbaine.

La première RI s’enrichit des secteurs du charbon et de l’acier. Le textile reste majeur, première activité industrielle avant 1914.

En GB le secteur charbon profite de la présence géologique du charbon dans la chaîne Pennine. Son exploitation permet l’essor de l’ind houillère.

  • 1735 : grillage du charbon à coke à fonte
  • 1755 : James Watt invente la machine à vapeur
  • 1784 : Purification du charbon par puddlage à fer

L’ind fait d’énormes progrès dès qu’on commence à utiliser le charbon de terre. Production plus abondante de charbon.

  • 1855 : Convertisseur Bessemer : fonte à acier
  • 1864 : Martin et Siemens invente un autre convertisseur
  • 1878 : Thomas et Gilchrist inventent procédé pour produire de l’acier à partir de fonte de mauvaise qualité

Cette première RI de la sidérurgie va permettre le dvpt de nouveau produits tels locos et chemins de fer.

2. L’apport de la sidérurgie à la révolution des transports

Les rails en fer remplacent le bois.

  • 1821 : mise au point de la loco à vapeur
  • 1830 : ligne Manchester/Liverpool
  • 1832 : ligne St-Etienne/Lyon

La révolution du chemin de fer commence au 1/3 du 19è

1869 : 1er grand chemin de fer transcontinental au milieu des Rocheuses

Lorsque le siècle s’ouvre, les équipements ferroviaires sont achevés en Europe Centrale et aux E-U. Les autres pays comme Chine et Russie sont très en retard.

Impact du rail sur le dvpt éco ?

Effet d’entraînement : demande de produits explose (rails, tôle, charbon…) et est un moteur de croissance et de prod. Nécessité de construire des infrastrusctures. Les sidérurgistes sont incités à produire mieux en se modernisant, en mécanisant…
Investissements productifs : Opération de création d’équipements et d’usines, destinée à augmenter la capacité des usines, la capacité de production. Pour les financements, les entrepreneurs s’adressent aux banques ; on entre dans une logique d’échange national et international. Désenclavement des régions. Le marché devient donc + homogène, et en principe les prix baissent. Moteur de la croissance économique.

En France logique de centralisation à partir de Paris. L’ingénieur Freycinet en 1879 est chargé d’organiser le réseau du rail.

Le trafic maritime se développe. Coques de bateaux en acier, bateaux à vapeur (steamers). En 1850, 1 bateau sur 2 est un steamer. Basculement vers des flottes de commerce modernes, donc baisse du prix du transport maritime international. Le steamer suscite l’essor de firmes Kistes de transport qui metten en place des lignes régulières. On relie la façade € à la façade Atlantique des E-U. Les ports connaissent un essor comme Hambourg au débouché de l’Elbe, Rotterdam au débouché du Rhin, Londres au débouché de la Tamise. Des ports méditerranéens profitent de l’essor du commerce, comme Marseille et Gênes. On construit des canaux inter océaniques.

1869 : construction du canal de Suez par F. de Lesseps.

Abandon général du protectionnisme et choix décalé du Le dans le monde. La France s’ouvre entre 1860 et 1892.

Explosion des échanges qui entraîne une internationalisation : processus d’ouverture marqué par les exportations industrielles et qui augmente + vite que la production nationale, tendant à créer des dépendances internationales.

Abondance monétaire importante alimentée par découverte de mines d’or et d’argent en Am du Nord (1848 en Californie).

La demande de produits est stimulée par l’offre, et augmente. Les producteurs, ingénieurs, sont invités à innover car le marché et dynamique : profits Kistes importants à la clé.

Dans la chimie des innovations se développent comme le procédé Solvay qui permet de réaliser industriellement du carbonate de sodium, et donc des colorants, détergents, soude, etc.

Dans l’électricité en 1871, GRAMME invente la dynamo qui permet de produire de l’électricité. Cela annonce la 2è RI dont le moteur sera des sources d’énergie nouvelles.

L’Europe devient un centre par rapport au reste du monde, économique et dynamique, une économie-monde qui entraîne des périphéries.

CAPITALISME : système de production basé sur la propriété privée des moyens de production, la régulation du marché entre l’offre et la demande, la régulation libre de l’économie par le marché, la libre entreprise privée et la libre concurrence sur le marché.

3. Les branches industrielles qui s’épanouissent avant 1914

Industrie chimique

A partir de 1880 elle connaît une croissance exponentielle. Procédé LEBLANC pour la fabrication de H2SO4 et d’explosifs. Cela assure le succès de firmes Kistes :

  • Belgique : SOLVAY
  • Suisse : NOBEL
  • Allemagne : BASF, BAYER
  • France : Saint Gobain, Kuhlmann, Air liquide

Industrie métallurgique

Nouveauté de l’aluminium. En France, l’extraction de la Bauxite (minerai de fer) est en plein essor.

  • 1885 : 20 000 t de bauxite
  • 1913 : 320 000 t de bauxite dont 300 000 pour la France

La France devient dès la fin 19è le premier producteur d’aluminium

Industrie alimentaire

Stimulée par la hausse du niveau de vie et la demande croissante de produits. Les conserveries, les laiteries, les chocolateries, les sucreries connaissent un essor.

Industrie de la distribution

Développement des chaînes à succursales – chaînes succursalistes – qui installent dans plusieurs villes des entreprises qui dépendent de la société mère.

A Saint Etienne, Geoffroy GUICHARD lance CASINO.

Les grand magasins se développent : le Bon Marché, Les Galeries Lafayette, le Printemps.

Industrie automobile

Elle incarne la modernité.

La production pour l’Europe en 1913 est de 86 000 voitures. Le parc automobile atteint 500 000 voitures. La consommation passe de conso de luxe à populaire à partir de 1885.

Jusqu’en 1904, la France est le 1er producteur mondial de voiture, puis dépassée par les E-U. France reste 1er exportateur mondial.

  • 1887 – 1890 : création de DAIMLER BENZ en Allemagne
  • 1895 : En GB, Daimler Motors
  • 1896 : Peugeot en France
  • 1897 : Panhard et Levassor
  • 1898 : Renault
  • 1899 : FIAT en Italie par les Agnelli
  • 1903 : Ford aux E-U
  • 1908 : General Motors aux E-U

L’automobile est le principal marché pour l’industrie de la machine-outil, pour les entreprises de construction mécanique, de construction électrique : dynamos, batteries, ampoules… Fabrication de pneumatiques : Michelin à Clermont Ferrand

Industrie du raffinage pétrolier pour le carburant.

A l’aval : activités de service : stations à essence, garages, assurances, structuration de l’espace qui s’appui sur les villes industrielles.

Lancement de courses automobiles.

1894 : 1ère course auto par le Petit Journal entre Paris & Rouen

Aux E-U, l’ind auto est le fondement d’un nouveau Kisme qu’on appelle capitalisme monopolistique : capitalisme ou une firme accapare le marché dans un branche.

1908 : production de la Ford T noire. L’entreprise Ford est en expansion.

4. A côté des industries nouvelles, les anciennes industries continuent leur essor

Industrie de l’acier

L’Europe produit de + en +.

De grandes familles Kistes prennent du poids dans l’économie : frères de Wendel en Lorraine, où on trouve minerai de fer.

En Allemagne, ce sont les Krupp qui produisent dans la Ruhr.

L’Europe développe dans la continuité ses chemins de fer, y compris en Russie grâce à des K étrangers venus de pays industrialisés qui ont des surplus (Belgique, Allemagne…)

Essor du commerce XT grâce au chemin de fer.

Le commerce XT de produits connaît pour 3 pays une énorme ascension entre 1890 et 1914 :

  • France : 10 à 16 M de francs or
  • Allemagne : 10 à 25 M de francs or
  • Grande Bretagne : 22 à 31 M de francs or

L’agriculture soutien l’industrie alimentaire. Elle a besoin des industries chimique et mécanique. Utilisation en Beauce des engrais chimiques, des rotations culturales + complexes.

  • Allemagne : Börde et Souabe
  • France : Brie et Beauce

Modernisation pour l’élevage en Europe surtout : le nbre de bovins va doubler.

L’agriculture s’intègre au marché par les chemins de fer.

Aux E-U, l’agriculture des Grandes Plaines profite des chemins de fer pour transporter le blé puis l’exporter ensuite vers l’Europe.

En France, la gare de Perpignan (Roussillon) se spécialise dans l’exportation de fruits et de vin.

C. Certains économistes tels Schumpeter font un lien causal direct entre technologie et croissance
1. L’analyse théorique de la croissance la plus courante est celle des cycles économiques

JUGLAR (1819 – 1905) a mis en évidence des cycles économiques courts, de 6 à 11 ans.

KONDRATIEV (1892 – 1930) a mis en évidence des cycles très longs, où alternent des phases A de 25-30 ans et des phases B de même durée. Chaque cycle présente un point de retournement conjoncturel qui forme la crise : rupture

Walt Whitman ROSTOW dans Les 5 étapes de la croissance montre que celle-ci n’est pas linéaire sur le très long terme. La condition essentielle au décollage est l’investissement productif, et une très forte augmentation du
taux d’investissement productif

2. L’analyse schumpéterienne

SCHUMPETER (1883 – 1950) a publié une théorie de l’évolution économique en 1912, où il montre sa conviction que la croissance est cyclique, et dont le moteur est le progrès technique.

Il distingue 5 formes d’innovations :

  • nouveau produit
  • nouveau débouché
  • nouvelle source d’approvisionnement
  • nouvelle méthode de travail
  • nouvelle organisation de la production

L’innovation est bonne pour l’entrepreneur, en ce sens qu’il investit dans un nouveau produit et rafle le marché. A partir de ses profits il peut réinvestir et s’autofinancer.

Les innovations sont introduites dans le système de production par grappes technologiques. S’ensuit un processus cumulatif favorable à la croissance & à la production.

CROISSANCE : AUGMENTATION QUANTITATIVE DE LA PRODUCTION

Des entreprises imitent l’entreprise innovante, puis le marché est saturé, les entreprises font moins de profit.

L’innovation entraîne un phénomène de destruction créatrice : le processus du Kisme conduit à un renouvellement du tissu des entreprises. Il connaît des crises, mais sait se relever et riposter.

Schumpeter insiste beaucoup sur l’entrepreneur innovateur, agent économique capable d’inventer une combinaison productive comprenant le facteur K et le facteur du travail.

Son analyse nous aide à comprendre que la Belle Epoque à partir de 1896 s’appuie sur les inventions précédentes.

3. Une transformation globale de l’emploi et des transferts sectoriels

Disparition du phénomène de rareté et baisse des prix.

Jean FOURASTIE (1907 – 1990) a étudié la baisse des prix, et a trouvé qu’elle s’expliquait par les gains de productivité liés à l’innovation.

Alfred SAUVY (1898-1990) étudie les csqs sur l’emploi :

les gains de productivité vont conduire à détruire des emplois, mais positivement l’innovation génère une création nette des emplois : emplois crées – emplois perdus. Les pertes peuvent être compensées à l’échelle d’une ville par des créations d’emplois dans des branches poussées par l’innovation technologique. C’est la théorie du déversement.

L’entrepreneur qui a des revenus supplémentaires peut embaucher, ou bien augmenter les salaires comme Ford, ou encore distribuer des dividendes aux actionnaires.

Il existe dans les entreprises des transferts sectoriels : les gains de productivité n’augmentent pas de la même façon entre toutes les branches industrielles.

4. La croissance est à relativiser avant 1914

Toutes les économies industrielles connaissent à partir de 1896 la reprise après la crise, avec les niveaux de croissance les + élevés entre 1905 et 1913.

En France l’industrie tire la croissance qui est de 2%/an :

+2,6%/an entre 1900 – 1905

+4,5%/an entre 1905 – 1914

En GB :

croissance de 2,1%/an mais seulement 2,5% de croissance industrielle. La GB est en retard d’innovation, de productivité…

En Allemagne :

doublement du revenu national entre 1896 – 1914

Croissance économique de 3%/an tirée par l’industrie

Au S de l’Europe, les pays font leurs premiers pas dans l’industrialisation vers 1860 – 1880, grâce aux investissements de l’Allemagne, de la France, de la GB. L’Espagne entre dans la croissance grâce aux investissements français ; en Italie, investissements dans les chemins de fer et les mines.

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