LA CROISSANCE APPAUVRISSANTE

(Jagdish Bhagwati, Immizering growth, a geometrical note, in Review of Economic Studies, 1958)

Hypothèses

1. deux pays, A et B, deux produits X et Y.
2. les deux pays sont totalement spécialisés dans la production des deux biens, X et Y : A fabrique seul le X, le consomme et l’exporte vers B, B fabrique seul le Y, le consomme et l’exporte vers A.
3. la croissance du pays A est supérieure à la croissance du pays B.
4. les niveaux de productivité sont donnés en A et B.

Mise en mouvement

1. le besoin d’importation du bien Y par le pays A augmente rapidement, plus rapidement que le besoin d’importation du bien X par le pays B.
2. le prix de Y augmente relativement au prix de X. A productivités inchangées, c’est la conséquence d’une demande de Y qui s’élève plus vite que la demande de X. A subit donc une détérioration de ses termes de l’échange avec B.
3. comme la croissance de A est plus rapide que celle de B, A ne peut compenser la baisse relative du prix du bien qu’il exporte, X, par la hausse des volumes de X exportés.

Conclusion

La croissance de A entraîne une détérioration si forte de ses termes de l’échange avec B que la perte de revenu qui en résulte pour lui excède le supplément de revenu engendré par sa propre croissance interne.
Bilan de A : croissance interne – perte dans l’échange, c’est-à-dire :

g(A) – [hausse des recettes d’exportation de A (pX*X) – hausse du coût des importations de A (pY*Y)]

Extension

La croissance peut être également appauvrissante relativement lorsque un pays A connait un déficit commercial structurel qui entraîne une dépréciation de son taux de change. En ce cas il s’appauvrit relativement à son (ses) principal (principaux) partenaires commercial (commerciaux). Cela a-t-il été le cas de la Frnac par rapport à la RFA pendant les Trente Glorieuses ?

Limites (attention aux fausses interprétations)

Stuart Mill (heureux les petits pays…) “démontre” que l’Angleterre, pays richement doté en Capital (K), développe principalement des exportations de produits capitalistiques. Sa croissance est export-biased (à orientation externe) : ses industries exportatrices connaissent les plus forts gains de productivité, ce qui entraîne une baisse relative du prix de leurs produits, donc des prix à l’exportation de l’Angleterre (relativement aux prix de ses importations). L’angleterre subit par conséquent une détérioration de ses termes de l’échange.
En fait un grand pays à avance technologique (l’Angleterre au XIXe siècle) serait perdant sur deux fronts :
1. par ses exportations, à travers ses produits (à travers lesquels voyagent non seulement des facteurs — cf. HOS — mais aussi du progrès technique, ce troisième facteur selon Solow) il diffuse ses innovations au reste du monde ;
2. par la détérioration des termes de l’échange qu’il subirait du fait de son avance technique et de sa taille.

LA DYNAMIQUE DE L’ECHANGE

(selon John Hicks, 1953)
Nota Bene : le problème de Hicks est largement influencé par la situation de l’économie américaine au début des années 50.

Hypothèses

1. deux pays, A et B, deux produits X et Y.
2. A est en croissance. Cette croissance du pays A est due aux gains de productivité réalisés par ses industries exportatrices.
3. B stagne.

Mise en mouvement
Type de croissance en A Caractéristiques de la croissance de A Effets dans le pays A Effets dans le pays B
neutre
(homothétique)
hausse de la productivité identique dans tous les secteurs, d’où stabilité de la structure interne de prix apparition d’un déficit structurel du commerce extérieur de A excédent du commerce extérieur de B, d’où la croissance de B
export-biased
(à orientation extérieure)
hausse de la productivité dans les industries ex-portatrices, d’où une baisse de leurs prix rela-tifs

détérioration des termes de l’échange

gain dans l’échange par captation (grace à l’évolution de la structure de prix du commerce inter-national) d’une partie des gains de productivité réalisés par A
import-biased
(à orientation interne)
hausse de la productivité dans les industries de substitution d’importations, d’où une baisse de la demande de produits importés apparition d’un excédent commercial croissant, d’où croissance de A apparition d’un déficit commercial structurel, d’où ralentissement de la croissance de B

En fait tout dépend de la taille du pays. S’il est petit il doit s’adapter aux rapports de prix (à la structure de prix) existant sur le marché mondial. S’il est grand, un changement significatif de la structure de sa production modifie les termes de l’échange sur le marché mondial, et ce sans volonté particulière de domination (effet de structure ; cf. François Perroux).
Cette réflexion conduit à la réinterprétation de la notion ricardienne de gain de l’échange en dynamique, ce qui conduit à envisager l’hypothèse d’une croissance appauvrissante.

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