Voici , comme promis, un premier extrait du dernier livre de Piere Rosanvallon :

” La crise de d’égalité modifie partout les données de l’affrontement partisan. Elle ,a en effet pour conséquence majeure de déstabiliser en profondeur les partis de gauche, au sens le plus large du terme, qui s’étaient historiquement identifiés à sa promotion.
Le mot d’ordre de l’égalité continue certes à tenir sa place dans les discours et les programmes. Mais bien, qu’appuyé sur la béquille d’adjectifs flatteurs la voulant « radicale » ou « réelle », il ne résonne plus que comme une coquille vide. Il s’est tout simplement détaché de l’expérience, n’indiquant plus de façon évidente et sensible les combats à mener et les perspectives à tracer. L’idée d’égalité est devenue une divinité lointaine, dont le culte routinier n’alimente plus aucune foi vivante. Elle ne se manifeste plus que comme incantation négative à « réduire les inégalités », mais sans plus dessiner l’image positive d’un monde désirable. Elle n’a plus de portée universelle, représentant une valeur dont chacun pourrait se revendiquer, au même titre que la liberté. Elle n’est souvent plus rapportée qu’à l’idée réduc
trice d’une lutte contre la pauvreté manifeste. La gauche a di-
même coup perdu ce qui avait fait historiquement sa force et fondé sa légitimité. Lis reculs qu’elle subit partout n’ont donc rien de passager ; ils sont structurels, indexés sur cette panne de l’égalité. Elle peut certes encore triompher dans les urnes, tant une élection est toujours une confrontation où les faiblesses de l’adversaire comptent autant que la réalité de ses propres forces, mais elle n’est plus le moteur d’une intelligibilité et d’une activation du monde. Elle ne donne plus le ton de l’époque. Elle n’a plus, au sens étymologique du terme, de capacité révolutionnaire. C’est la vie démocratique elle-même qui s’en trouve en retour diminuée, tirée vers le bas, aspirée par les démons de l’identité et de l’homogénéité. Il n’y a donc rien de plus urgent que de refonder cette idée d’égalité. C’est l’ambition de ce livre que de contribuer à cette tâche. Il pro-posée de l’entreprendre dans une double perspective, historique et théorique” p 19-22

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