AntonNewcombe88 a écrit:Je l’ai déjà exprimé sur ce forum mais Audencia paye les années Helfer. Un gentil Monsieur (aujourd’hui à la tête de l’IAE de Paris si je ne me trompe pas), mais bien trop tendre et très passif pendant ses 6 années à la direction de l’école.
Il a surtout cherché à rationaliser les dépenses après la folie des grandeurs d’Aïssa Dermouche ; certes très dépensier mais ô combien visionnaire. Audencia, c’est Dermouche. Si l’école est là aujourd’hui, si elle s’est faite une place chez les grandes, c’est grâce à lui.
Helfer est une continuation logique des années Dermouche : soigner la position de l'école dans les concours en l'institutionnalisant, soit au travers de la communication (la notion de "top 6" par exemple, qui est davantage une invention de communication qu'une réalité auprès des recruteurs), soit à travers la consolidation dans les classements. Comme fondateur de la commission d'évaluation des formations et diplômes de gestion qui a même porté son nom, Helfer était la personne parfaitement idoine pour le poste.
Sans m'exprimer sur la personnalité d'Helfer que je ne connais pas, je ne suis pas certain que la politique de l'école aurait été fondamentalement différente dans ces années là si Dermouche était resté à la tête de l'école.
Dermouche a eu une très bonne lecture du jeu de la situation des écoles de commerce dans les années 90. Pour simplifier :
- Début des années 90 > la taille des promotions des écoles va devoir augmenter pour gagner une masse critique par ailleurs indispensable (en gros : passage de la taille des promos de 150/180 élèves dans la plupart des écoles à 300/400) : d'où le programme d'extension des locaux de l'ESC Nantes, avec le grand mérite d'entreprendre ce genre de démarche en anticipation de la plupart des écoles, hors parisiennes et l'Edhec déjà à cette taille critique ;
- Fin des années 90 > la fragilisation d'écoles concurrentes comme Reims et Rouen par le départ de l'Edhec de la banque d'épreuves Ecricome : créant une fenêtre d'opportunité pour se positionner en tant que concepteur d'épreuves dans le concours commun. Les déboires parallèles de Toulouse à l'époque éliminait une école antagoniste qui aurait pu en profiter de la même manière. Et Grenoble étant encore une création relativement récente, moins installée dans le paysage concurrentiel.
La grande qualité de Dermouche est d'avoir très bien compris ce en quoi, en France, la logique du concours fait le niveau des écoles et non l'inverse. Son défaut en revanche, c'est de l'avoir trop bien compris... au point de négliger pendant très longtemps les relations avec les entreprises et la qualité de certains cours, pour privilégier la communication. Sa stratégie était parfaite pour se placer en tête des écoles du "groupe 2", mais bien insuffisante et limitée pour aller réellement concurrencer les écoles du "groupe 1". D'une certaine manière, l'école vit le contrecoup logique de cette stratégie, avec ou sans Dermouche. Le moment de son départ était même plutôt bien choisi de ce point de vue, autant apporter du renouveau pour surmonter ses défauts.
Qualifier Dermouche de "visionnaire" me paraît aussi inadapté. Par exemple, il est passé complètement à côté du phénomène de l'alternance en école de commerce, inauguré à l'Essec, y étant même résolument opposé au début, avant de virer à 180° devant la généralisation du succès de cette modalité, au point d'en faire un argument de communication d'Audencia - un comble ! De même, il est complètement passé à côté du développement des relations écoles-entreprises à travers des chaires dédiées, avec le double avantage de constituer des budgets supplémentaires pour l'école et d'encourager des relations privilégiées avec de potentiels recruteurs. Là aussi, Audencia a depuis changé d'avis et heureusement.
Par contre, Dermouche peut être qualifié d'excellent diagnosticien avec le mérite d'avoir eu une stratégie proportionnée au budget dont il disposait, budget pourtant nettement en retrait par rapport à Reims et Rouen pour ne citer que ces écoles. Malgré sa folie des grandeurs qui était réelle, je ne pense pas qu'il a été un dépensier excessif. Il a plutôt brillé par son classicisme que fait preuve d'une fantaisie créative.
AntonNewcombe88 a écrit:Charroin avait une vision très intéressante pour l’école, orientée autour des double-compétences et du partenariat avec Centrale, et centrée sur l’international. On lui doit l’Alliance, et de nombreux échanges et DD de très bonne qualité !
Le départ de Charroin, alliant compétence et charisme, est incontestablement une grosse perte pour l'école, lui qui avait la vertu de consacrer des efforts importants aux fondamentaux, plutôt à rebours de l'obsession historique de l'école pour la communication sous les années Dermouche.
AntonNewcombe88 a écrit:Mais, j’en reste convaincu, cette erreur stratégique (et là le départ de Charroin se ressent) d’avoir voulu jouer la prudence à fond en abaissant la barre d’admissibilité, là où GEM a très bien joué le coup en restant stable, et je le répète, en prenant un risque ! Le signal que ça a renvoyé aux étudiants (et qui est un raccourci, basé sur un raisonnement biaisé comme on l'a déjà discuté pendant 5 pages sur ce topic) : GEM plus sélective qu’Audencia, donc GEM > Audencia ; d’où ces désistements en masse.
Oui, ton analyse me parait totalement pertinente ici sur la baisse de la barre d'admissibilité. Ce sera intéressant de voir s'il se dégage une tendance de fond entre GEM et Audencia dans les prochaines années, mais sur la simple base du dernier concours, c'est beaucoup trop tôt pour s'exprimer.
AntonNewcombe88 a écrit:L’une des clés sera en tout cas de bien communiquer : le faire-savoir est au moins aussi important que le savoir-faire, et ça GEM l’a très bien compris. A ce titre il faut reconnaître que leur direction est très talentueuse et très intelligente. Dès qu’il y a un article dans la presse écrite ou internet sur les écoles de commerce, vous pouvez être certain de voir le nom de Fiorina apparaître (et donc GEM).
Fin des années 90/début des années 2000, c’est Audencia qui était le bon élève : un peu trop peut-être, Dermouche ayant mis au point une communication très prégnante et agressive…qui a fortement contribué à élever Audencia dans les classements, il faut le reconnaître. Aujourd’hui c’est tout le contraire, c’est ce qui nous manque ! Et pourtant…et pourtant on a bien plus de qualités, bien plus de cordes à notre arc qu’il y a 15 ans. Franck Dormont (directeur com’) sait donc ce qu’il lui reste à faire !
Anton
Hé bien justement, je suis plutôt d'un avis contraire. Je pense que le problème d'Audencia n'est pas celui d'un défaut de communication. En outre, ce n'est pas parce qu'Audencia a beaucoup plus de qualités objectives aujourd'hui que par le passé, que les autres écoles sont en reste... Toutes les écoles ont investi massivement (la hausse des frais de scolarité est là pour en témoigner...), toutes les écoles ont fait des progrès sensibles (même si l'on peut discuter de la proportion de ces progrès au regard des sommes engagées) et ce n'est pas parce qu'il existe une communication prégnante au sein de la plupart des écoles qu'il faut en oublier les qualités des institutions concurrentes. Le classement entre écoles ne s'établit pas en valeur absolue mais en comparaison relative.
Ensuite, Audencia s'est offert un positionnement à peu de frais "d'école culturelle et humaniste". Basée sur quoi ? Le fait d'avoir un bureau des arts, agglomération en une seule association de clubs artistiques autrement constitués en plusieurs associations dans les autres écoles. Quelle différence véritable ? Et basée sur des cours transversaux pour le développement de la culture générale de élèves... cours qui existent aussi dans toutes les écoles du top 10 et parfois depuis bien longtemps. Le fait enfin de cultiver une éthique responsable auprès des étudiants. Mais quelle école prétend faire le contraire ? L'intérêt d'une telle différenciation essentiellement issue d'une communication réussie est de revendiquer une singularité qui ne contrevient pas non plus au nécessaire positionnement généraliste d'une école de commerce qui se veut de premier plan. A la rigueur, Audencia se serait revendiquée comme "école du sport" que cela aurait été plus crédible et justifié.
Du côté de GEM, il y a aussi la revendication d'une différenciation à travers la dimension technologique. Mais au moins, celle-ci s'appuie sur un corpus de cours réellement dédiés, un lien avec le tissu des entreprises présentes sur Grenoble, un écosystème local et encouragé par l'école orienté vers la création d'entreprises innovantes. Non pas qu'Audencia ne dispose pas d'arguments sur le sujet, mais la matérialité du positionnement de GEM me paraît beaucoup plus probante.
Si Audencia veut progresser, c'est là dessus surtout qu'elle doit travailler, sur ses fondamentaux plutôt que sur sa communication...